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karatreca-saga_épisode suédois
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17 janvier 2009

Chapitre 4 : L'arrivée de la Réforme en Europe du nord

Comme vous le savez sans doute, mon mémoire porte sur le Refuge protestant de Suède. C’est d’ailleurs pourquoi, je suis en ce moment l’hôte de Fifi Brindacier (qui est suédoise et qui aurait dû s’appeler Pippi Longuechaussette). C’est également pourquoi certain détails à propos de la vie religieuse aux musée national de Copenhague ne m’ont pas échappé.

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D’abord, j’ai enfin fait la connaissance du roi Kristian II, l’ignoble responsable du bain de sang de Stockholm (l’équivalent de la Saint-Barthélemy mais à Stockholm et avec des notables en guise de victimes innocentes). Bien sûr, étant suédoise d’adoption, je prends partie pour les pauvres Suédois, lol.

Toujours est-il qu’à cause de sa tyrannie, il a permis l’ascension de Gustave Vasa qui en avait un peu ras-le-bol de sa tutelle quelque peu pesante et qui voulait bâtir un état indépendant avec un pouvoir fort. Autant dire qu’il a très bien réussi, d’autant que la Réforme l’a bien aidé car grâce à elle, il a pu asseoir son pouvoir en instaurant une nouvelle Eglise qui rompait avec la tradition et le passé danois, et qui lui permettait de s’enrichir en dépouillant l’Eglise catholique de ses biens. En même temps, l’Eglise luthérienne n’était qu’un instrument entre les mains du roi (ce qui n’est pas aisé quand le roi s’appelle Gustave Vasa et qu’il peut vous révoquer et vous condamner à mort du jour au lendemain, demandez donc au conseiller Olaus Petri). C’est pourquoi l’Eglise luthérienne était très jalouse de ses prérogatives et que les traces de catholicisme et de calvinisme étaient mal perçues ; le catholicisme étant synonyme d’un passé dont on voulait se défaire, le calvinisme étant une sorte de rival mettant en danger l’influence luthérienne. D’après Frank Puaux, mon auteur de référence, les réfugiés calvinistes français ont donc eu du mal à s’installer, non pas que le pouvoir royal ait été particulièrement hostile à leur installation (au contraire, car leur savoir-faire représentait un avantage économique) mais l’Eglise luthérienne tenait à ce qu’ils basculent dans sa mouvance.

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Voilà donc ce cher Luther tel qu’on

Peut le voir au musée national.

En prêtant attention à différents détails, on se rend vite compte que la religion était un sujet très sensible au Danemark (comme ailleurs, je pense donc que je peux étendre ce cas à la Suède même si j’attends d’en discuter un peu avec des spécialistes).

De même qu’en France, on est visiblement hanté par l’idée de mort et l’Eglise catholique fait les frais de ses failles en la matière et de ses autres faiblesses :

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Parmi les objets tendance « memento mori », certains témoignent d’un intérêt pour la science mais n’en sont pas moins sordides.

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Navrée, la première image est très mauvaise : il s’agit d’une sculpture sur ivoire de quelques centimètres de haut représentant un moine sous la forme d’un renard.

Et comme ailleurs en Europe, l’humanisme fait son apparition en Scandinavie :

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Comme vous pouvez le constater, les textes prennent toute leur importance au Danemark à cette période, ce qui tombe plutôt bien à l’heure de la rigueur dans le domaine religieux. Cependant, n’allez pas imaginer que les textes envahissent les temples par simple volonté retour à la simplicité ou par réflexe iconoclaste. Accessoirement, décorer les lieux de culte avec des inscriptions revenait moins cher que de les décorer avec des ornementations. Comme quoi le matérialisme n’est pas très éloigné du puritanisme. En même temps, l’Eglise du Danemark a visiblement subit la confiscation de ses biens, de même qu’en Suède. On peut, d’ailleurs voir dans le musée un calice en cuivre offert par le chancelier Johan Friis à l’église de Magleby dont l’inscription indique qu’à l’origine le calice devait en or mais que pour décourager les gens cupides, il a finalement été fait en cuivre. Seulement, ce prudent chancelier si soucieux à l’égard de ses dons à l’Eglise, a trempé dans les confiscations des biens du clergé. Il savait donc bien de quoi il parlait, le bougre. Ils savaient être comiques à cette époque, lol.

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Tout ça pour dire que l’Eglise luthérienne redoutait peut-être le pouvoir royal comme cela devait être le cas en Suède. Reste à voir comment se présentaient les temples suédois à cette époque, mais je dois dire que je n’ai pas encore d’indice à ce sujet mais j’essaierai d’en discuter avec l’Eglise suédoise (Svenska kyrkan, qui une institution étatique contrairement à l’Eglise française).

Toujours est-il qu’avec l’arrivée de la Réforme, l’apparition de la décoration scripturale et l’avènement d’un pouvoir royal qui ne montre guère de scrupule à piller l’Eglise, la décoration se fait plus simple dans les temples. Voyez plutôt :

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Vous pouvez donc constater que ces éléments de décorations n’ont que peu de liens avec ceux qu’on peut trouver dans les églises des pays latins à la même époque.

De gauche à droite, vous pouvez voir :

·        Un fond baptismal en forme de calice typique de la période d’après-Réforme. Les gravures dans la vasque représentent le Baptême du Christ, la Crucifixion, quatre apôtres et (chose étrange !) une représentation toute catholique de la Vierge de Halo.

·        Une chaire sans trop de décorations contrairement à celle de la cathédrale d’Uppsala qui ne manque pas de dorures. A méditer en ce qui concerne l’art religieux.

·        Des pignons qui ornaient les bancs d’église. C’est la nouvelle mode après l’arrivée de la Réforme.

·        Le calice et la coupe qui tranchent par rapport à ce qui pouvait se faire dans le même pays, au moins cent ans plus tôt :

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  • Des bancs d’églises
  • Deux panneaux provenant d’un retable où sont écrits des passages de la Bible. C’était donc une sorte de catéchisme pour les fidèles. Mais, ce n’est pas parce qu’on voit deux panneaux écrit au style sévère qu’il faut imaginer qu’il n’y avait pas d’image. Au contraire, on en trouver fréquemment sur les retables.
  • Un monument funéraire en bois. On élevait ce genre de tablettes quand on voulait se faire enterrer dans le temple. Celles en bois étaient pour les citoyens et les ministres, celles en pierre pour les nobles.

Or malgré ce retour certain vers la simplicité, je peux comprendre que des rigoristes ne soient pas satisfaits. Je ne connais malheureusement que très peu de temples calvinistes (c’est bien pour cette raison que mes propos à suivre sont à prendre avec des pincettes) mais il se trouve que d’autres éléments de décors que l’on peut trouver dans les temples ne soient pas compatibles avec l’austérité à laquelle aspirent les calvinistes.

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Bien qu’il ne relève pas de la débauche ornementale, je comprends l’art religieux des luthériens ait pu fâcher les calvinistes et que cela ait été un facteur pour que ces derniers maintiennent leur différence. Les temples calvinistes semblent très épurés (en tout cas, c’est le cas du temple du Salin à Toulouse) en conformité avec la rigueur qui semblent affichée par les réformés. En effet, dans deux ouvrages que j’ai lu, destinés à redorer le blason des réfugiés protestants français (L’histoire de l’établissement des protestants français en Suède de Frank Puaux, et Histoire des réfugiés protestants de France depuis la Révocation de l'édit de Nantes de Charles Weiss), leur austérité est décrite comme légendaire. A ce propos je cite Charles Weiss :

« Les réfugiés du Danemark donnèrent, pendant tout le XVIIIe siècle et jusqu'à nos jours, l'exemple des mœurs les plus sévères, de la moralité la plus irréprochable, de la charité la plus touchante. »

D’autre part, le catholicisme semble avoir laissé des traces. Je me suis dit cela après avoir comparé les chasubles luthériennes avec des chasubles calvinistes d’environ la même époque.

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Ci-dessus, les chasubles luthériennes qui correspondent

aux débuts de la Réforme

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Ci-dessus, des chasubles catholiques de la fin du moyen âge

            Pour ma part, je trouve que les deux styles de chasuble ont à peu près le même style. On retrouve dans les deux cas, des couleurs qui ont dû être vives, des profusions de broderies, de motifs religieux aussi bien que végétaux. Sur la première chasuble luthérienne, je suis même étonnée de retrouver des motifs tels que la Visitation, la Sainte famille et les angelots. Les motifs de l’échelle de Jacob et du repas d’Emmaüs me paraissent autrement plus cohérents, étant donné l’attachement des protestants à la personne même du Christ et à l’Ancien Testament. Quant à la deuxième chasuble, je suis désolée mais je ne parviens pas à distinguer les motifs autres que le Christ en croix. On retrouve à peu près les mêmes motifs végétaux sur les chasubles catholiques. A cela s’ajoute les représentations du Christ, de la Vierge, des saints (parmi eux, évangélistes ?) et des anges ; ce qui me paraît plus logique.

D’autre part, j’ai été frappé par les chasubles lors que j’ai assisté à une messe luthérienne. Je ne m’avance pas trop car il s’agissait d’une messe, sans doute, un peu spéciale pour le premier dimanche de l’avent. Mais les chasubles avaient des couleurs très vives et étaient très décorés à la différence de la robe noire du ministre réformé. Cela a peut-être pu choquer les calvinistes, donc.

Je suis donc surprise quand je revois certaines photos des portraits de famille exécutés vers le XVIͤ et le XVIIͤ siècle. En effet, les vêtements sombres à collerette blanche qu’on peut y voir, ne sont pas sans évoquer ceux qu’on peut voir dans la peinture hollandaise (les Pays-Bas étaient alors calvinistes si je ne m’abuse). En même temps, ces peintures semblent correspondre à la définition, que j’ai pu trouver dans le musée, de la peinture funéraire ; ce qui explique peut-être les vêtements sombres et la mine sévère des personnages.

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            Toujours est-il que je continue à me poser des questions sur les différences de mœurs entre les luthériens et les réformés, ce qui est un problème majeur quand on veut être accepté et s’intégrer. En l’occurrence, d’après Frank Puaux, la rigueur des réfugiés calvinistes français de Stockholm a pu déclencher quelques exaspérations dans la population.

Dernière chose qui m’a interpellé : la reconstitution d’une chambre à coucher du XVIIͤ siècle.

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La religion de son occupant n’était pas indiquée sur l’étiquette mais je pourrais penser qu’il était luthérien puisque c’était la confession la plus répandue. Mais on a peut-être affaire aussi à un catholique. Les murs et le plafond sont couverts de bas-reliefs représentant des épisodes bibliques divisés en deux thèmes : l’Ancien Testament (ce qui peut se comprendre) et les Saints (ce qui est plus surprenant, étant donné que les protestants ne leur accordent que peu d’importance, les saints n’étant que des modèles à suivre). Par exemple, sur la première photo, vous pouvez voir l’épisode de la création du monde derrière le lit à baldaquin et sur la deuxième sont représentés saint Pierre (qui est représenté avec ses clefs, or les protestants ignorent le paradis) et saint Paul.

Pour conclure, les fruits de cette visite au musée national sont surtout des questions sur les différences religieuses et culturelles entre les deux confessions protestantes et sur l’intégration des réformés en pays luthérien.

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