La Gasque d'Östgöta

En ce jour du 12 septembre, à la demande de Thor, Frey se dispose enfin à nous accorder le soleil. Et il y a de quoi car aujourd'hui, c'est jour de gasque. Je vois déjà vos yeux s'agrandir telle l'entrée des Enfers après une bataille entre divinités et mortels impis, car vous, ignorants gaulois, vous ne savez pas ce qu'est une gasque et il est vrai que cette noble tradition n'a que peu de rapport avec les fêtes du noble domaine de Vercingétorix. Il s'agit donc d'une réception qui s'adresse exclusivement aux étudiants (là, en l'occurence aux étudiants dont c'est la première année à l'université d'Uppsala) et dont le thème peut varier. Celle-ci a pour but d'accueillir les nouveaux étudiants mais d'autres ont pour thème les oiseaux, la soirée à l'envers, la sainte Lucie, ... Dans tous les cas, il s'agit d'une fête codée avec des traditions propres à la Suède.

En premier lieu, il faut savoir que pour participer à une gasque, il faut se vêtir de ses plus beaux atours : costume pour les garçons et robe de soirée pour les filles (y compris si la gasque commence à trois heures de l'après-midi). Accessoirement aussi, il faut débourser 280 SEK (couronnes).

Comme, je l'ai dit la fête commence vers 15h, 15h30. Elle regroupe d'abord toutes les nations. Celles-ci se rassemblent toutes sur l'esplanade du bâtiment principale de l'université après avoir fièrement défilé dans les rues d'Uppsala derrière leur porte-drapeau attitré (voilà pourquoi, il valait mieux que Freyr, le dieu du temps, se tienne tranquille).

Puis, tout le monde s'assoit dans le grand amphithéâtre du bâtiment principale (j'ose à peine appeler cette salle un amphi, vu qu'il tient surtout de la salle de spectacle mais l'estrade nous rappelle tout même qu'on n'est pas ici pour se divertir). L'heure qui suit est idéal pour pratiquer le zen, ou l'art de ne penser à rien. Effectivement, les différents personnels de l'université viennent, à tour de rôle, se présenter et prononcer un discours ... in Swedish, of course. Donc, pendant ce temps-là, tu peux ne penser à rien ou planifier ton prochain voyage en Dalécarlie ou prier Thor pour qu'il donne l'illumination qui te permettra de comprendre enfin les discours. Mais, ne t'absorbe pas dans une prière trop intense car tu risquerais d'être rappelé(e) brutalement à la réalité par la chorale de Snerikes et pousser un cri incongru dans ce lieu où l'étiquette fait loi.

La cérémonie fini (et après avoir constaté que la prière à Thor n'a servi à rien), chacun rentre chez soi, toujours derrière le porte-drapeau. Une foi dans sa nation, le Fraçais -lui aussi fier de ses traditions- est très heureux de constater que l'apéro est en vigueur, au moins pour les gasques ; mais gare pour allégiques au mousseux ! S'ensuit le banquet qui me fait rendre grâce à tout le panthéon nordique pour le fait que Maman n'assistera jamais à une gasque. En effet, le repas dure à peu près quatre heures (!!!), et si le buveur et le chanteur sont comblés, le mangeur l'est nettement moins. Car le Suédois aime boire, chanter et parler. Le repas est sans arrêt ponctué de discours (toujours en suédois -mais que fait Thor, à la fin ?!) qui se terminent en chansons à boire (la meilleure étant une parodie de l'Internationale) et par le scoll suédois (l'équivalent du tchin-tchin) ; le tout étant annoncé par une gamme au xylophone (vous ne le voyez pas sur la photo, mais le monsieur ést en train de jouer).

La chorale vient, de temps en temps, nous donner une petite représentation. A ma grande surprise, l'une d'elle a débuté par un chant cher à Odin par sa rare délicatesse et son grand pacifisme, à savoir la Marseillaise (qui était fort joliment interprétée, d'ailleurs) ; et s'est terminé par une ôde en français d'une grande finesse (jugez plutôt) : "putain de merde, fait chier, bordel, j'enc*** ta mère"(avec l'accent, s'il vous plaît). J'en soupçonnerais presque l'une des dangereuses activistes de notre congrégation de skinheads néo-fascistes, débloqueurs de fac, d'être à l'origine de ce somptueux poème. Toujours est-il que je me suis retrouvée bien incapable de le traduire à mon entourage malgré sa demande pressante. Pauvres Suédois ! Je leur rend bien mal la politesse, puisque, eux, palliant la négligence de Thor, m'ont traduit discours et chansons.

A la fin du repas, vu que tu as bu beaucoup et mangé peu

(on ne risquait pas de s'étouffé avec les quantités servies, en plus, je ne veux pas faire de la critique à deux balles mais il me semble que les organisateurs de gasque devraient faire un stage dans notre pays de gastronomes ; d'ailleurs, je peux m'en occuper personnellement), forcément, tu es un peu joyeux, donc l'étiquette recommande quelques déviances dans notre attitude guindée. Les photos en témoignent.

La suite est universelle : chacun sort de table, se sert au bar et fait chauffer la piste de danse. Pas besoin de reportage pour ça.